Quel avenir pour la vie musicale francilienne ?
Les adhérents du RIF alertent et ouvrent le débat.
Le mercredi 16 octobre dernier le RIF, RĂ©seau des musiques actuelles en ĂŽle-de-France proposait lors du festival MaMA Festival & Convention 2019, une table ronde intitulĂ©e “Quels leviers pour un dĂ©veloppement plus Ă©quilibrĂ© et solidaire des initiatives musicales en ĂŽle-de-France ?” et organisĂ©e en partenariat avec la Revue Nectart.
Il s’agissait Ă cette occasion d’ouvrir un dĂ©bat urgent et nĂ©cessaire pour l’avenir des initiatives musicales en ĂŽle-de-France, comme nous le rappelle la triste actualitĂ© de l’expulsion toujours en cours de Mains d’Ĺ’uvres. Le RIF s’est exprimĂ© rĂ©cemment aux cĂ´tĂ©s du MAAD 93 pour dĂ©noncer cette situation et demander la rĂ©ouverture du lieu au plus vite.
Mains d’Œuvres n’est pourtant et malheureusement pas un cas isolé en Île-de-France. Depuis quelques années, de nombreuses initiatives musicales sont ainsi remises en question, perdent la mise à disposition de leurs locaux ou tout ou partie de leurs financements et sont ainsi fortement fragilisées voire disparaissent purement et simplement. DLF Studio à Draveil (91), le Cac Georges Brassens à Mantes-la-Jolie (78), les Zuluberlus à Colombes (92), n’en sont que quelques exemples. Si les situations sont particulières et les contextes locaux différents, il n’en demeure pas moins qu’un mouvement de fond semble à l’œuvre.
Comme l’ont exprimé plusieurs participant.e.s à cette table ronde, ce climat génère une grande inquiétude sur l’avenir de la vie musicale dans nos banlieues franciliennes, villes franges, zones péri-urbaines et rurales, qui bientôt ne s’éveilleront plus que pour de rares journées d’événements festifs dans l’année, dans des logiques largement consuméristes. L’enjeu peut être synthétisé par la formule utilisée par Jean-Yves Pineau, animateur de cette rencontre : « territoire habitable et habité versus territoire support/décors, au service d’une mise en marché du monde».
Si pendant environ deux décennies (90, 2000), grâce notamment à une prise en compte progressive des musiques actuelles par les politiques publiques locales, le maillage territorial d’initiatives musicales s’est densifié en Île-de-France, force est de constater que le mouvement s’inverse désormais. Et les premières touchées sont le plus souvent des structures nées de l’initiative citoyenne et implantées de longue date sur leur territoire. Elles y ont longtemps constitué des espaces de proximité d’engagement, de participation démocratique, de créativité individuelle et collective, mais font parfois face à une défiance politique de plus en plus marquée au niveau local.
En dĂ©pit de la place centrale qu’occupent les musiques populaires dans la vie de nos concitoyen.ne.s, il en rĂ©sulte aujourd’hui une difficultĂ© sans prĂ©cĂ©dent pour les francilien.ne.s et particulièrement les musicien.ne.s Ă exprimer leur passion dans l’espace public, Ă disposer, Ă proximitĂ©, de lieux adaptĂ©s pour crĂ©er, se dĂ©velopper, aller Ă la rencontre d’autres disciplines et pratiques artistiques…
Les Ă©changes lors de la rencontre et notamment l’éclairage introductif d’Emmanuel NĂ©grier (chercheur en sciences politiques – CNRS/CEPEL) rĂ©vèlent une situation complexe aux causes multiples et corrĂ©lĂ©es mais soulignent que le champ musical n’Ă©chappe pas Ă quelques tendances fortes :
– l’action publique se rĂ©duisant de plus en plus Ă favoriser la marchandisation des objets, des besoins, des dĂ©sirs ;
– les effets dramatiques de la concentration Ă©conomique et institutionnelle et du recours aux capitaux privĂ©s dans la poursuite de l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral (sujet d’ailleurs largement traitĂ© dans la confĂ©rence organisĂ©e par le SMA – Syndicat des Musiques Actuelles le lendemain autour de la situation des festivals indĂ©pendants) ;
– l’instrumentalisation de politiques culturelles dans des stratĂ©gies de marketing territorial aux dĂ©pends du tissu socio-artistique local ;
– l’exacerbation des concurrences territoriales Ă travers notamment le phĂ©nomène mĂ©tropolitain.
Sur cette base, nous entendons poursuivre ce travail d’analyse, de mise en dĂ©bat, de conscientisation du milieu des musicien.ne.s et mĂ©lomanes passionnĂ©.e.s pour faire Ă©merger des leviers et contrer cette tendance lourde, inĂ©dite et mortifère. Nos Ă©changes sur cette table ronde ont permis d’identifier quelques premières pistes : l’urgence Ă susciter et redynamiser la place de l’initiative citoyenne et associative dans la vie culturelle locale revendiquĂ©e par BĂ©nĂ©dicte Froidure (directrice de File7 et co-secrĂ©taire du RIF), le renforcement des logiques de coopĂ©rations locales Ă©voquĂ© par Arnaud PĂ©ricard (Maire de Saint-Germain-en-Laye), la nĂ©cessitĂ© de recentrer l’attention des politiques publiques sur « la production sociale de la musique » au-delĂ de « carrières mĂ©diatisĂ©es » mise en Ă©vidence par les artistes prĂ©sent.e.s – Karoline Rose et Mustapha Amokrane.
Les séquences électorales à venir, municipales en 2020 puis départementales et régionales en 2021, en seront des jalons importants. Nous souhaitons mener ce travail en concertation étroite avec toutes les bonnes volontés, act.eur.rice.s professionnel.le.s, musicien.ne.s, élu.e.s et technicien.ne.s des collectivités publiques du territoire, qui ambitionnent un développement territorial plus équilibré et plus solidaire, favorable aux droits culturels des personnes et à la diversité.
→ RĂ©Ă©couter la confĂ©rence du RIF : “Quels leviers pour un dĂ©veloppement plus Ă©quilibrĂ© et solidaire des initiatives musicales en ĂŽle-de-France” :
→ RĂ©Ă©couter la confĂ©rence du SMA – Syndicat des Musiques Actuelles “Festivals indĂ©pendants, comment Ă©viter l’impasse ?” :
Contact : Florian Auvinet / florian@lerif.org
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